« Voyez-vous, je pensais que l’amour ça devenait plus facile au fil des années et que ça faisait plus aussi mal quand ça faisait mal, et que c’était plus aussi bon quand c’était bon. Je pensais que ça se tassait et que les vieilles personnes s’en rendaient à peine compte. »
Toni Morrison avait dit de ce roman :
« Un livre d’une telle beauté qu’on en oublierait presque qu’il nous brise le cœur. »
Qu’est-ce que tu veux que je rajoute à ça ?
Ben rien.
Nine va encore dire que je prends trop de vitamine D, mais en même temps, je tente de dire précisément ce que je pense, même quand ce sont des jolies choses…
Pour faire court, ce livre est relié au temps qui passe, et je dois avouer qu’au début, je me suis posé quelques questions quant à ma capacité à suivre cette histoire…
June, le personnage fil conducteur, meurt au début du roman, et cette mort va servir à faire le lien entre toutes les mémoires de cette histoire, entre le temps et l’espace qui rythment la vie de ces familles.
C’est beau.
Juste beau.
Tu vas penser à ces couvertures faites de morceaux de tissus cousus ensemble, dont on ne sait pas comment elle sera une fois terminée, dont on a un peu peur que ce ne soit pas aussi joli que prévu, et qui finissent par tenir chaud quand même.
L’écriture de Louise Erdrich est captivante, à travers cette perception toute en nuances de l’espace et du temps, à travers le mystère lié à ces légendes qu’elle nous laisse entrevoir, à travers ces mythes qui finissent par devenir réels, et à travers ce mouvement qui nous entraîne sur le chemin jalonné par l’histoire de ses ancêtres qu’on a déplacés au fil du temps et des changements de gouvernements.
La langue de Louise Erdrich, c’est du printemps après l’hiver. Des sentiments, à travers les histoires contées par chacun des personnages, et c’est beau.
Juste beau.
Même la mort de June, rentrant à pied chez elle à travers la tempête, est une belle histoire qui ouvre les portes de chacun des chapitres qui suivent.
Un retour sur la terre de nos ancêtres, celle qui nous appartient et que nous conservons tous dans un coin de notre cœur, le village de nos grands-parents, la forêt qui bordait la route des fins de semaines, l’odeur des genêts…
Je sais, Ghislaine, mais je cause pour moi.
L’odeur des genêts, c’est ma madeleine à moi.
Chacun son truc.
Alors bien sûr, ce roman parle d’alcool, parce que l’alcoolisme, c’est une affaire récurrente chez les Amérindiens. Sans doute que c’est une merdasserie de plus transmise par les blancs-becs pour faciliter l’extinction de ceux qui étaient là bien avant qu’ils posent le pied sur les prairies et qu’ils atomisent les bisons et Hiroshima.
Une histoire de familles, de celles qui se croisent et se décroisent à travers les aventures plus ou moins amoureuses des protagonistes…
Une histoire de vols et de dépouillements.
Le vol par le gouvernement américain des terres qui appartenaient à la Mère Nature et qu’ils ont violées et violentées jusqu’au jour d’aujourd’hui.
Je sais, c’est un pléonasme, mais je suis un peu énervé.
Louise Erdrich nous parle aussi de liberté.
Cette liberté perdue par ces hommes qui se réfugient dans les légendes anciennes et la gloire du peuple de leurs aïeux ; ceux qui ont lutté jusqu’à la mort contre les envahisseurs.
Pour conclure, « Love Medicine » nous offre les chemins tracés par Rushes Bear et Kashpaw, quand ils se sont unis à travers le mariage ojibué traditionnel, et que leur famille a grandi, malgré l’alcool et le manque de liberté, malgré le regard des autres, ceux qui sont si pâles qu’on peut croire qu’ils sont malades.
« Grand-père, pourquoi les hommes blancs sont blancs ?
Parce que le Grand Esprit a raté la cuisson… Pas assez de temps au soleil. Le seul homme bien cuit, c’est l’homme rouge. Il est parfait. »
Et « Love Medicine » nous explique aussi que le retour à ce que nous sommes nous permet sans doute de guérir, malgré tout.
Un immense roman, pas de doute.
C’est tout ce que j’ai à dire.
